Nous sommes des étudiants et enseignants-chercheurs d'une toute nouvelle institution: l'Université Paris 14. Nomade, sans président ni conseil d'administration, avec des rames de métro pour salles de cours, ce centre du savoir-mouvant a le faste des universités de demain...ou du moins de celles que les réformes en cours voudraient nous construire. Mais, comme le dit le proverbe, l'habit ne fait pas le moine, et le savoir n'a pas plus d'éclat dans les amphitéâtres de La Sorbonne que sous les néons de la ligne 14.
L'université est une très très vieille dame...peut-être cela incite-t-il certains haut-personnages (à quelle aune mesurer leur hauteur?) à vouloir la pousser un peu vite dans les orties. D'aucuns font remonter sa naissance au 23éme siècle avant J-C, en Chine, dans la période Yu, bien avant les établissements occidentaux de Bologne, Grenade, Paris ou Caen qu'on considère souvent abusivement en Occident comme les premiers du genre. L'université est une construction des peuples et des siècles, elle se nourrit du savoir passé et prépare celui des génération futures. En cela, il n'appartient à aucun gouvernement et à aucune conjoncture de décider de son destin; toute réforme doit nécessairement s'inscrire dans le temps long de la construction et de la transmission de la connaissance.
Aujourd'hui, les réformes lancées dans toute l'Europe par le processus de Bologne mettent en danger la pérennité de cette institution. Voulant mettre en compétition les universités européennes et permettre une adaptation de ce qui est appelé l'offre de connaissance à la demande, ce processus de réforme met en danger des filières a priori économiquement non-rentables de la connaissance comme les lettres, les sciences fondamentales, humaines, les arts, etc...! Ce processus s'est illustré en France par une loi: la LRU (Loi Relative aux libertés et responsabilités des Universités)! Voté au beau milieu de l'été 2007, cette loi prévoit la mise en concurrence des individus, le remaniement de la composition du CA au profit des personnalités extérieures et le renforcement massif des pouvoirs du Président de l'Université, qui pourra désormais entre autre attribué des primes et mettre son veto aux affectations de nouveaux personnels et enseignants.
Mais ce n'était là qu'un premier pas! Par la modification du décret régissant le statut des enseignants-chercheurs, le gouvernement cherche à instaurer une nouvelle logique dans l'administration de l'enseignement supérieur:
1) Gestion punitive de la charge de cours
2) Prévalence concurrence/coopération au sein des équipes de recherche
3) Pouvoir accru des présidents d'universités
A cela il conviendrait d'ajouter la réforme en cours dite de mastérisation des concours de l'Education Nationale, dont les principales conséquences sont:
1) une moins bonne qualité de la formation pratique des futurs enseignants
2) un allongement de la durée des études non-financées
L'enjeu pour le gouvernement est clair: faire de l'université une entreprise du savoir!
Nous refusons cette vision de l'enseignement supérieur et à la trinité mercantile que nous proposent ces réformes: compétitivité, rentabilité, concurrence, nous opposons la notre: gratuité, collégiallité, désintéressement.
Mais mieux que ces slogans, nous vous proposons de nous rejoindre sur notre lieu de travail: la ligne 14 du métro de paris. Peut-être trouverez-vous dans les « séminaires nomades » qu'organise notre collectif un écho à vos préoccupations sur la connaissance, ses origines, son « utilité », ses modes de transmission et d'évaluation?